Stratégie, équipements et ambitions
La Chine, historiquement puissance terrestre, a engagé depuis quelques décennies une montée en puissance maritime fulgurante, avec l’ambition d’atteindre une parité stratégique mondiale avec les États-Unis d’ici 2049. Cette progression se traduit par des programmes massifs et qualitatifs : porte-avions (du Liaoning au Fujian à catapulte électromagnétique, et d’autres en préparation), destroyers, frégates multimissions, porte-hélicoptères et une sous-marinade en expansion (SNLE, SNA et diesel-électriques). Si la flotte de surface s’est modernisée vite, des fragilités persistent : sécurité industrielle, filières de compétences, professionnalisation, logistique et surtout expérience opérationnelle durable loin des mers proches.
Côté aéronaval, la Chine a longtemps puisé dans l’héritage soviétique/russe (matériels, doctrines, moteurs), tout en « sinisant » et en rattrapant certaines briques technologiques (radars AESA, progrès récents en motorisation). Mais l’intégration d’un groupe aéronaval « complet » et projetable dans la durée reste un apprentissage.
Sous la mer, Pékin vise une dissuasion nucléaire crédible à la mer, clef de sa stratégie. Sa progression suit une logique d’« îles-chaînes » : d’abord opérer dans la première chaîne (sud du Japon–Philippines), puis la deuxième (jusqu’à Guam), avant une présence globale à l’horizon du centenaire de 2049. Cette expansion est toutefois contenue par le réseau de capteurs et d’alliances américaines en Indo-Pacifique.
La mer de Chine méridionale sert de laboratoire de coercition « grise » : modernisation de la marine, renforcement des garde-côtes placés sous la Commission militaire centrale, mobilisation de milices de pêche et de flottes commerciales/logistiques. Pékin y conteste quotidiennement le droit de la mer (UNCLOS) pour éroder, à l’usure, les positions des voisins (Philippines, Vietnam, Malaisie, etc.) et repousser l’influence américaine.
Taïwan est l’objectif stratégique central : ouverture vers le Pacifique profond pour la dissuasion sous-marine, enjeu politico-historique et techno-industriel (semi-conducteurs). La Chine privilégie une stratégie d’usure et de pression continue (incursions ADIZ, entraînements) pour démoraliser et désarrimer l’île des garanties américaines (Taiwan Relations Act), tout en acceptant un coût élevé si la force devait être employée. L’attitude chinoise a déjà poussé Japon et Corée du Sud à muscler leurs capacités navales. Malgré des vents contraires économiques, démographiques et RH, Pékin pourrait poursuivre sa trajectoire, laissant planer l’hypothèse d’un recours à la force si l’érosion graduelle ne suffit pas.

